Lorsqu’un visiteur interstellaire traverse notre système solaire, il suscite immanquablement des questions fascinantes sur sa nature et son comportement. L’objet baptisé 3I/ATLAS, notre troisième invité confirmé venant d’au-delà de notre système, n’échappe pas à cette règle. Détecté le 1er juillet 2025 par le système de surveillance Asteroid Terrestrial-impact Last Alert System, ce corps céleste suit une trajectoire d’échappement qui confirme son origine extra-solaire. Les observations astronomiques ont rapidement révélé qu’il s’agissait d’une comète, présentant les caractéristiques classiques de ces objets glacés : un noyau rocheux et glacé, une vaste coma lumineuse, ainsi que des queues de poussière et d’ions.
Comment les scientifiques expliquent le mouvement inhabituel de 3I/ATLAS
Les comètes affichent souvent un phénomène intrigant appelé accélération non gravitationnelle, c’est-à-dire un changement de vitesse qui ne résulte pas des interactions gravitationnelles avec d’autres corps célestes. Ce comportement a été observé chez 3I/ATLAS lors de son passage au plus près du Soleil, à une distance de 1,36 unités astronomiques, soit approximativement 203 millions de kilomètres. L’astronome Avi Loeb de Harvard a documenté ces premières observations, notant une accélération radiale de 135 kilomètres par jour au carré en s’éloignant du Soleil, accompagnée d’une accélération transversale de 60 kilomètres par jour au carré.
Florian Neukart, chercheur au Leiden Institute of Advanced Computer Science de l’Université de Leiden, a proposé une explication conventionnelle dans un article préliminaire. Ses travaux suggèrent que le dégazage ordinaire de substances volatiles suffit à expliquer ces variations de vitesse, sans nécessiter de compositions exotiques ou d’hypothèses extraordinaires. Utilisant des modèles thermophysiques et Monte Carlo sophistiqués, l’étude démontre que l’accélération observée correspond parfaitement au comportement attendu d’une comète libérant des gaz en se réchauffant près du Soleil.
| Type de volatile | Efficacité à 1 UA | Contribution attendue |
|---|---|---|
| CO (monoxyde de carbone) | Élevée | Composant principal |
| CO2 (dioxyde de carbone) | Élevée | Composant principal |
| NH3 (ammoniac) | Faible seul | Composant mineur |
| CH4 (méthane) | Faible seul | Composant mineur |
Les données scientifiques qui confirment la nature cométaire de l’objet
Des observations radio récentes effectuées par le télescope MeerKAT ont révélé la présence de molécules hydroxyles (OH) dans l’atmosphère de 3I/ATLAS le 24 octobre. Le Dr Cyrielle Opitom, experte en comètes à l’Institut d’Astronomie de l’Université d’Édimbourg, explique que la détection d’hydroxyles constitue une preuve directe que la comète libère de la glace d’eau sous l’effet du rayonnement solaire. Ce phénomène était totalement attendu pour un objet venant de franchir son périhélie, le point le plus proche du Soleil sur son orbite.
Les observations antérieures avec le même télescope n’avaient pas détecté d’eau, mais cette absence n’était nullement surprenante. À plus grande distance du Soleil, la comète produisait naturellement moins de vapeur d’eau et sa luminosité réduite rendait la détection beaucoup plus ardue. Toutefois, d’autres télescopes avaient déjà identifié la présence d’eau auparavant chez 3I/ATLAS. Cette diversité d’observations illustre comment l’humanité continue de repousser les limites de notre compréhension du cosmos grâce aux technologies d’observation modernes.
Pourquoi les explications exotiques ne sont pas nécessaires
Certaines théories alternatives avaient été avancées pour expliquer l’accélération inhabituelle des objets interstellaires. Ces hypothèses incluaient la pression de radiation agissant sur des corps extrêmement peu denses ou en forme de feuille, voire des scénarios impliquant des compositions exotiques ou technologiques. Cependant, ces explications nécessitent des rapports surface-masse exceptionnels et des porosités extrêmes difficiles à concilier avec la survie dynamique de l’objet et l’absence de perturbations d’attitude prononcées.
L’étude de Neukart démontre qu’un mécanisme conventionnel piloté par les volatiles reproduit fidèlement l’amplitude et la direction de l’accélération observée. Les principaux éléments à retenir concernant cette explication naturelle sont les suivants :
- Les relations de pression de vapeur réalistes suffisent à modéliser le phénomène
- Une couverture de surface active représentant moins d’un pour cent de la surface totale est nécessaire
- L’activité dominée par le CO et le CO2 explique les observations sans ambiguïté
- Une modeste collimation des jets gazeux améliore la concordance avec les données
Cette approche rigoureuse élimine le besoin d’invoquer des géométries spéciales de pression de radiation ou des hypothèses non naturelles pour comprendre le comportement de 3I/ATLAS. Les résultats établissent également des limites thermophysiques pour les mécanismes d’accélération naturels chez les comètes interstellaires, fournissant un cadre de référence pour l’étude de futurs visiteurs.
Les prochaines étapes pour comprendre ce messager galactique
Bien que cette étude propose une explication solide, des observations supplémentaires seront indispensables pour valider complètement ce modèle. Il est fort probable que ce travail soit loin de représenter le dernier mot sur ce sujet fascinant. Néanmoins, la recherche démontre de manière convaincante que les explications les plus fantaisistes proposées pour cet objet ne sont absolument pas nécessaires pour comprendre son comportement réel.
Dans un contexte où les observatoires du monde entier collaborent malgré les tensions internationales, la communauté astronomique attend avec impatience les nouvelles données. Le Dr Opitom souligne qu’il sera difficile d’en dire davantage avec les seules détections actuelles, mais que les semaines à venir apporteront probablement des informations cruciales, la comète devenant plus visible pour les télescopes optiques. Ce visiteur interstellaire pourrait représenter une capsule temporelle vieille de 10 milliards d’années, provenant d’une autre époque de l’univers et d’une région différente de notre galaxie, offrant ainsi un aperçu inestimable des processus de formation planétaire dans d’autres systèmes stellaires.